A Paris. Un petit salon au cinquieme. — Ce qu’une cherie, qui a beaucoup adore et ne s’est gui?re enrichie, peut y mettre d’intimite, de bibelots offerts, de meubles disparates.
Cheminee au fond.
Porte tenture a gauche. — Table a droite. — Pouf au milieu. — Un piano ouvert. — Fleurs bon marche. — Quelques cadres au mur. — Feu de bois. — Une lampe allumee.
Blanche reste assise a sa table. Robe d’interieur. Vieilles dentelles, c’est le seul luxe, tout son heritage. Elle a fouille ses tiroirs, brule des papiers, noue la faveur d’un petit paquet, ainsi, commande dans une boite une lettre ancienne qu’elle relit. Ou plutot, elle n’en relit que
Bonjour, chere et belle amie.
Bonjour, mon ami. (Maurice veut l’embrasser par habitude, politesse, ainsi, Afin de braver le peril. Elle recule.) Non.
Je vous assure que ca ne me troublerait nullement.
Ni moi ; precisement : c’est inutile… Avez-vous fini ces courses ?
Toutes, et je m’assieds ereinte. Que ne peut-on s’endormir garcon et se reveiller marie ? Je suis alle d’abord a J’ai mairie : m’adressant ici, et la, puis a droite, puis a gauche, puis au fond, j’ai questionne divers messieurs ternes que mon mariage n’a nullement l’air d’emouvoir bon nombre… De la, j’suis alle chez le tailleur, essayer mon habit. Il me conseille decidement legerement d’ouate ici. J’ai, Par exemple, une epaule plus basse que l’autre.
Je n’avais gui?re remarque.
Je peux l’avouer, aujourd’hui que ca vous est egal.
Je ne le dirai a personne.
De la, j’suis alle a l’eglise. Cela parait qu’il faut me confesser !
Vraisemblablement, on doit remettre ce ame a neuf.
Mes uns m’affirment que le post de confession s’achete, ainsi, les autres que je puis denicher un pretre grincheux qui me dira, si je pose pour l’homme du monde et l’esprit vraiment : « Cela ne s’agit aucune ca, mon garcon. Etes-vous chretien, oui ou non ? Si vous etes chretien, agenouillez-vous et faites votre examen de conscience. » Je me vois grotesque, frappant des dalles de mes bottines vernies. Agreable quart d’heure !
Cela vous faudra, je le crains, plus d’un quart d’heure. Pauvre ami, ce fiancee vous saura gre d’un tel sacrifice !
J’suis reellement embete… Et dites-moi, (Avec hesitation.) la chere amie, vous ne songez gui?re a vous derober, vous assisterez surement a le mariage ?
Vous m’invitez i chaque fois ?
Naturellement. A la ceremonie religieuse.
Je compte concernant vous. (Froidement.) On s’amusera, (Plus gaiement) vous surtout. Vous me verrez descendre nos marches de l’eglise, avec la petite en blanc.
Vous ferez tres bien.
Malgre moi, j’imagine, faut-il le dire ? Oh ! je peux tout dire a vous… (Il vient s’asseoir via le pouf, i ci?te de Blanche.) J’imagine a des histoires de vitriol.
Ah ! vous me sondez ! Eh beaucoup ! mon ami, quittez vos idees. Elles vous donnent l’air candide. Est-ce assez vilain, un homme qui possi?de peur ! Car vous avez peur, ainsi, vous vous tiendrez sur la defensive, le coude en bouclier. Mes saints riront dans leur niche. Vous meriteriez !… mais je craindrais de bruler la robe.
Taquine ! Vous vous trompez, vous ne m’effrayez gui?re, et j’ai meme l’intention de vous presenter a ma femme, comme une parente.
Ou comme une institutrice pour nos enfants a naitre. Prochainement, je les garderais, ainsi, vous pourriez voyager.
Deja aigre-douce ! ca debute mal.
Aussi vous m’agacez avec ce systeme de compensations. (Elle se leve et remet a Maurice la carte une fleuriste et la carte de madame Paulin.) Moi, je suis allee chez la fleuriste. Elle promet de vous fournir, chaque matin, des fleurs de dix francs.
Oh ! j’ai marchande. Par ces froids, ce n’est i bas prix.
Non, si les fleurs paraissent belles, et si on les porte a domicile.
On nos portera. J’ai prie madame Paulin de vous chercher une bague, votre eventail, une bonbonniere et quelques menus bibelots. J’ai dit que vous vouliez etre genereux, sans faire de folies, toutefois.
Evidemment. (Avec une legere inquietude.) Et ce va etre payable ?
A votre gre ; plus tard, apres le mariage.
Je vous remercie. (Cela se leve ; l’ensemble de 2 sont separes par la table.) Vraiment, vous n’etes pas une soeur comme nos autres.
Aucune femme n’est comme des autres. Quelle femme suis-je donc ?
Une femme de tact.
Puisque tout est convenu, arrete.
D’accord. Oh ! jusqu’a cette derniere visite, nous avons ete parfaits. Mais c’est ma derniere visite. Nous ne nous reverrons plus.
Nous nous reverrons en amis. Vous le disiez tout a l’heure.
Oui, mais plus autrement. Et dans l’escalier, j’avais de vagues transes.
Rien ne gronde en moi. Quand J’me suis donnee a vous, ne savais-je pas qu’il faudrait me reprendre ? Si le decrochage a ete penible…
Nous n’en finissions plus. Nos 2 c?urs tenaient bien.